Crise d'identité et parentalité : comment lâcher l’image de la mère parfaite

Il y a des jours où tout s’effondre. Pas en grand fracas. Non. Mais à l’intérieur.
On tient, on encaisse, on gère.
Et puis un matin, on regarde ses cheveux dans la brosse, on regarde ses enfants dans le salon, et on se demande :
Mais qu’est-ce que je fais ? Qui suis-je encore là-dedans ?

Ce texte est pour celles qui jonglent entre transmission et transformation.
Pour celles qui sont mères, filles, femmes — parfois tout ça à la fois, et plus rien du tout.

La parentalité ne vient jamais seule. Elle ouvre un tiroir secret, celui qu’on croyait bien fermé : notre propre enfance.
D’un coup, sans prévenir, remontent des souvenirs flous, des exigences muettes, des blessures invisibles.
On ne les a pas choisies, et pourtant, elles semblent guider la main qui prépare les goûters, la voix qui gronde un peu trop fort, la peur qui serre la gorge quand un enfant pleure trop longtemps.

Devenir parent, c’est parfois affronter la petite fille qu’on a été… sans mode d’emploi.

On voudrait être douce, à l’écoute, disponible.
Mais aussi stable, forte, organisée.
On veut offrir le meilleur, ne pas reproduire, ne pas manquer, ne pas étouffer.
Et on finit à bout de souffle, écartelée entre des idéaux contradictoires :
Ne pas être sa mère. Ne pas être l’inverse. Ne pas échouer. Ne pas s’oublier.

Et si cette tension, ce vertige intérieur, venait du fait qu’on essaie de correspondre à une image qui n’a jamais été la nôtre ?

Parfois, ce n’est pas ce que nos mères ont dit. C’est ce qu’elles ont incarné, souvent sans en avoir conscience.
Le silence. La maîtrise. Le sacrifice. La force à toute épreuve.
On a grandi avec l’idée que tout devait tenir, tout le temps.
Pas de place pour le doute. Pas de place pour le désordre.
Alors aujourd’hui, quand on faillit, on se sent coupable. Quand on fatigue, on se sent faible. Quand on lâche, on se croit mauvaise.

Mais peut-être que ce qu’on appelle “faillir” est juste une façon saine de poser ses limites.

Et puis il y a les enfants.
Leur sensibilité à fleur de peau.
Leur façon de dire “non” à ce qu’on attend, à ce qu’on projette, à ce qu’on cache même à nous-mêmes.

Ils ne veulent pas toujours mettre leurs chaussettes. Ils ne veulent pas manger ce qu’on prépare. Ils ne veulent pas grandir comme on le souhaiterait, ni rester petits quand ça nous rassure.

Ils sont comme des miroirs légèrement déformants : ils amplifient ce qu’on n’ose pas voir.
Et souvent, ils viennent réveiller ce qu’on n’a pas encore intégré.

On pense trop souvent que réussir, c’est faire “comme il faut”.
Mais dans cette quête du bon rôle, on oublie parfois l’essentiel : la cohérence intérieure.

Être une mère, ce n’est pas jouer un rôle.
C’est tenir une présence. Une présence qui doute, qui change d’avis, qui fait de son mieux.
Une mère vivante, pas parfaite.
Une mère qui apprend à dire : “Là, je suis fatiguée.” “Là, j’ai besoin d’aide.” “Là, je fais autrement.”

Et ça, c’est peut-être la forme la plus puissante d’amour qu’on puisse transmettre.

Il n’y a pas de modèle unique. Il y a des textures.
Certaines sont souples comme un chamallow, d’autres fermes comme un biscuit sec.
Et puis il y a les cookies : un peu croustillants, un peu tendres, riches de tout ce qu’ils contiennent.

Tu n’as pas à choisir entre être dure ou trop douce.
Tu peux être cette mère singulière, mouvante, imparfaite mais juste.
Pas parce que tu as tout compris. Mais parce que tu as décidé d’habiter pleinement ce que tu es.

Tu n’as pas à devenir meilleure.
Tu n’as pas à réparer ce qui a été.
Tu n’as pas à incarner une lignée.
Tu as juste à respirer là où tu es. À faire de la place pour toi. Pour ton rythme. Pour ton chemin.

Et si parfois tu t’endors le cœur serré ou les larmes prêtes, rappelle-toi :
Tu fais déjà bien plus que ce que tu crois.

Carine Allain (www.acte-et-sens.com)
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